Typologie des conflits : pourquoi on se dispute

A chaque type de conflit correspondent des stratégies de changement

La Méthode Relatio est particulièrement puissante pour résoudre les conflits relationnels, même ceux qui sont vécus comme graves, même ceux qui sont anciens.
L'efficacité de Relatio en la matière provient de deux façons d'intervenir : d'abord Relatio intervient au niveau même des conflits, d'autre part, elle n'intervient pas de la même façon selon la nature du conflit.

A l'aide des axiomes et des théorèmes de la communication, Relatio a mis au point une  typologie des conflits relationnels dont voici les grandes lignes.

Nous distinguerons :
  • les conflits de contenu ou de la Carte, portant sur le sens des mots et phrases prononcés
  • les conflits de relation ou du Territoire, portant sur la position de chacun par rapport à l'autre dans l'interaction, parmi lesquels :
  • les conflits de territoire
  • les conflits d'intérêt
  • les conflits de ponctuation
  • les conflits d'objectifs
  • le conflits cognitifs, issus de façons différentes de raisonner :
  • conflits de niveaux d'abstraction
  • conflits sémantiques

Examinons cela de plus près :

1. Conflits de contenu

Ce sont les plus connus, mais pas toujours les plus graves. Il s'agit d'un désaccord d'opinion, au niveau de la Carte. Nous avons tous le souvenir mémorable de ces disputes sans fin entre amis, dont l'un a eu le malheur de ne pas voter comme l'autre, ou de ces disputes sur des sujets divers et aussi fous que " La femme est-elle l'égale de l'homme ? ".

Le problème que cherche à résoudre chacun des deux partenaires est celui de savoir, - et cela leur semble fondamental -, " qui a raison et qui a tort ".
Au passage, remarquons que cet objectif n'est presque jamais atteint, et qu'à la fin de la dispute, chacun campe, plus que jamais sur ses positions initiales.
Et, pendant ces débats, chaque partenaire utilise des procédés rhétoriques variés tout autant qu'inconscients, chacun donne des " exemples qui prouvent ", émet des " généralisations abusives "…
(Nous avons mis au point évitant ce genre d'aberrations, appelée Polémios®, qui est enseignée dans les cours en salle).

Il est à noter que, parfois, les deux partenaires ne sont en conflit qu'au niveau de la Carte ; une simple vérification de ce qu'ils entendent concrètement au travers de mots abstraits qu'ils utilisent leur permettrait de constater qu'ils sont en fait totalement d'accord.

Voici un exemple de dispute entre deux stagiaires de la Méthode Relatio. 
Le premier, un homme d'âge mûr se présentait comme partisan d'une éducation autoritaire ; l'autre, une jeune femme partisane d'une éducation libérale. Notons qu'il s'agit là des mots employés par eux-mêmes pour se définir.
La discussion porte sur un sujet d'importance nationale : " Faut-il obliger les enfants à finir ce qu'ils ont dans leurs assiettes ? " Bien sûr, lui dit : oui, et elle dit : non. Et les choses s'enveniment rapidement, car tous les concepts appelés à la rescousse semble les séparer : autorité, respect de l'adulte, suivi dans la décision, prendre ses responsabilités…
Ils allaient en venir aux mains lorsque nous avons décidé de les séparer, en leur faisant remarquer que personne n'avait pensé à demander quelques informations au sujet du contexte concret. Donc, du point de vue de la méthode, de descendre plus près du Territoire.
En fait, l'homme qui adoptait une éducation autoritaire avait des enfants de plus de quinze ans, pendant que la jeune femme libérale avaient de tous jeunes enfants. Rapidement, elle a reconnue qu'avec des enfants de quinze ans elle ferait comme lui, et lui s'est souvenu qu'il faisait comme elle quand ils étaient plus jeunes.
En fait, il n'y avait aucun désaccord entre eux sur ce sujet.
Le conflit n'était qu'apparent, et ne portait que sur les mots abstraits.
Nous venons de voir que la meilleure façon de dégonfler les conflits apparents, est de montrer qu'au niveau du territoire, ils n'existent pas.
Ce qui montre bien qu'on peut fort bien parler de ce qui n'existe pas.
Laissons-là nos deux amis, nous les retrouverons tout à l'heure.

2. Conflits de territoire

Tout d'abord les conflits de " congruence comportementale "

Il s'agit de désaccords sur la façon de mener concrètement des activités concrètes. En apparence souvent des petits conflits, mais ils peuvent empoisonner toute une vie. On peut se battre au sujet de la façon de presser le tube dentifrice, de la façon de s'asseoir au restaurant, ou encore de quel côté du lit on veut dormir.

Si ces conflits apparaissent dans un contexte général de paix et d'entente mutuelle, ils disparaissent assez facilement, soit par le changement de celui qui a été désigné comme " fautif " : on range le tube dentifrice et on n'en parle plus, soit par " recadrage " du plaignant qui se dit que, finalement, ça n'a pas tellement d'importance.

Mais, souvent ces conflits resurgissent ou apparaissent, justement quand la relation se détériore ; ce qu'on supportait facilement, voire même que l'on trouvait charmant, (sa façon, à elle, de laisser traîner ses petites culottes, ou sa façon, à lui, de semer les cendres de sa pipe sur le tapis), nous devient subitement insupportable et odieux.

Il faut savoir reconnaître les authentiques conflits de territoire (Aimer ou ne pas aimer les concombres), et les conflits prétextes qui tiennent lieu de projectiles que l'on s'envoie à la figure pour régler un conflit d'une autre nature.

3. Conflits d'intérêt

Il est clair que deux personnes entreront en conflit s'ils briguent la même chose : la même promotion, la même femme, le même poste. Il est clair que le conflit, aussi violent soit-il, pourra rapidement cesser par la réussite de l'un, donc l'échec de l'autre. Ce sont des conflits dont la théorie des jeux nous dit qu'ils sont à " somme nulle " : les gains de l'un sont égaux aux pertes de l'autre.

Le conflit pourra également cesser par la négociation qui permettra aux deux compères de se contenter chacun d'une demi réussite ou d'un demi-échec, selon la façon dont on voit le problème.

Le conflit pourra également cesser par la manipulation de l'un qui amènera l'autre, ou bien à ne plus vouloir atteindre son objectif, ou bien à croire qu'il l'a déjà obtenu.

Mais le conflit, bien que simple, pourra perdurer une vie entière, comme on le voit dans ces vieux couples qui se disputent toute leur vie sur des sujets aussi futiles que " Où aller en vacances ? ", et comme personne ne veut céder, finissent toute leur vie par aller dans des endroits qu'ils n'aiment ni l'un ni l'autre.

4. Conflits de ponctuation

Une quatrième sorte de conflits, toujours au niveau du territoire, ce sont les conflits de " ponctuation ". C'est le jeu le plus stupide qui soit en apparence, du type " c'est pas moi qui ai commencé ", mais c'est le jeu dont il est le plus difficile à sortir.

Nous ne connaissons que deux solutions : faire appel à un tiers qui fera prendre conscience aux belligérants qu'ils ne font pas commencer le conflit au même endroit de la chaîne temporelle, avec le danger que les belligérants en question ne se liguent contre le tiers, qui, manifestement, ne dit que des conneries, puisqu'il ne donne ni raison ni tort à personne : il ne prend pas partie, ce lâche !

La deuxième solution suppose que l'un des partenaires admettent - c'est-à-dire fasse semblant d'admettre - le point de vue de l'autre, et le conflit cesse immédiatement. Cela vaut parfois la chandelle de passer, très momentanément, pour un faible, voire même très légèrement de perdre la face en avouant avoir tort.

Si le conflit ne cesse pas, c'est, comme pour tous les autres cas de figures, qu'il résidait ailleurs.

5. Conflits de niveau d'abstraction

Nous avons deux sortes de conflits, plus difficiles à reconnaître dans la vie de tous les jours, ceux qui portent sur un décalage sémantique entre les deux partenaires, l'un parlant en termes général (Carte), l'autre en termes concrets (Territoire), ou encore l'un en termes de contenu l'autre en termes de relation.

Un certain nombre de personnes se situent essentiellement au niveau des théories et abstractions ; d'autres au contraire, ne comprennent que les exemples, et ont du mal à généraliser. Il est assez fréquent, que l'on développe un discours abstrait sur soi-même assez dissonant par rapport aux faits de la vie quotidienne ; les autres - et les conjoints sont forts avisés sur ces points - le voient tout de suite. Qui se dit accueillant et qui ne veut pas voir la belle-mère ; qui se dit peu autoritaire et qui impose chaque année le lieu des vacances ; qui se dit libéral, et qui milite pour la peine de mort…

Il peut s'agir d'un conflit entre moi et moi, mais fort malheureusement pour le changement il est rare de s'apercevoir seul des dissonances entre ce que nous prônons et ce que nous faisons, entre nos idées et nos actions ; et quand les autres s'en chargent, il est rare que nous reconnaissions le bien-fondé de leurs critiques ou il est rare que nous l'admettions avec plaisir.

En ce qui me concerne, j'ai rencontré un certain nombre de ces dissonances, ou conflits de niveaux. Par exemple, alors qu'il ne me serait jamais venu à l'idée de me désigner par l'adjectif " conciliant ", une analyse de type Territoire de mes  relations les plus fréquentes, a fait apparaître dans des interactions fréquentes et répétitives, des actes que l'on pouvait facilement désigner comme des actes de conciliation envers autrui. Pour nous, il est clair : le territoire a parlé ; la carte n'a plus qu'à se taire.

Les conflits de confusion entre contenu et relation ont déjà été abordés. Il est fréquent que les couples par exemple se chamaillent autour d'un point précis de contenu, alors que le grief se situe au niveau de la relation. Ils n'en sont souvent pas conscients, mais, même s'ils en sont conscients cela ne résoudra pas pour autant le conflit, mais le transformera simplement en conflit d'une autre nature.

Par exemple, une simple demande d'information peut toujours être comprise par l'autre comme un ordre ; notre phrase fétiche en témoigne :
LUI : Chérie, où as-tu mis mes pantoufles ?
ELLE : Je ne suis pas ta bonniche !

Nous travaillerons souvent ce type de phrase, et ce type de malentendu dans nos cours.

Ce type de conflit, possède une particularité curieuse qui apparaît quand un tiers montre, de façon indiscutable, que l'un des partenaires a tort, sur le plan du contenu. Le conflit est en apparence résolu, mais en apparence seulement dans la mesure où le conflit contenu ne faisait que cacher le conflit relation (où l'on voit qu'un conflit peut en cacher un autre), et le partenaire qui a perdu ressent une bizarre impression de rage du type : " Tu as gagné, mais tu as tort d'avoir raison, et de toutes façons je t'aurai sur un autre sujet ".

C'est pourquoi ce type de conflit peut se prolonger en s'apparentant à un conflit de type ponctuation ; le jeu n'est pas fini, c'est au perdant de jouer le prochain coup.

6. Conflits d'objectifs

La plupart des interactions poursuivent des buts, et chaque partenaire se fait une idée plus ou moins précise des objectifs de l'autre. Outre qu'il peut se tromper, il se peut que les deux partenaires poursuivent des objectifs incompatibles. L'un peut vouloir négocier pendant que l'autre veut la victoire absolue ; l'un cherche une approbation, et l'autre le pouvoir. Tout se passe comme s'ils n'allaient pas au même endroit, mais qu'ils ne le savaient pas encore.

La connaissance mutuelle des objectifs de l'autre aplanit facilement ce genre de conflits qui se concluent souvent par la fin de la relation, pour incompatibilité de direction. Et pour cheminer ensemble, il est préférable de monter dans le même train.


7. Conflits sémantiques

Les plus subtils, donc les plus délicats à traiter, et les plus durables. Il s'agit de deux partenaires qui n'ont pas la même vision des rapports entre la carte et le territoire, entre les mots et les idées d'une part et les faits qu'ils désignent, d'autre part.

Ces conflits sont permanents en politique, où tout le monde se sert apparemment du même langage, mais pour désigner des réalités concrètes forts différentes.

Prenons un exemple : un conflit qui opposerait un homme qui se dit de droite et qui en est fier, et un homme qui se dit de gauche et qui en est fier, est un simple conflit de contenu ; ils peuvent toutefois être totalement en accord sur la définition des mots et sur ce qu'ils désignent. Simplement, comme mais ils ne se  situent pas au même endroit de la carte, ils restent en désaccord.

Mais un conflit entre deux hommes politiques qui ne situent pas la droite au même endroit, est un conflit sémantique. Par exemple, si, en France, la droite est représentée par l'UMP, et la gauche par le PS et le PC ; dans ce cadre, le FN ne pourra être que d'extrême droite. Pour le FN, qui pense représenter la seule vraie droite, la droite nationale, les autres partis se situent nécessairement à sa gauche, ce qui les fait paraître semblables entre eux.

La géographie politique, comme la plupart des conflits sans fin, sont des conflits sémantiques et épistémologiques, c'est-à-dire qu'on n'est pas d'accord ni sur la définition des mots, ni sur les relations entre les mots et les actions concrètes qu'ils désignent.

Nous verrons que dans ce type de conflits, la manipulation est pratiquement le seul moyen de parvenir à faire changer d'avis l'un de partenaires.


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